Le , par Élie Sloïm - Accessibilité
Avertissement : cet article a été publié en 2008. Son contenu n'est peut-être plus d'actualité.
Depuis deux ans au moins, Laurent Denis me fait régulièrement remarquer le désastre pour l’accessibilité que constituent ce qu’il appelle les pseudos-contenus, c’est à dire les contenus générés via une feuille de styles CSS (CSS generated content). Suite à l’interview que nous avons fait de Daniel Glazman sur OpenWeb et des échanges que nous avons eu ultérieurement, il semblerait que les choses commencent à bouger.
Pour les nons-techniciens, les CSS, feuilles de styles en cascade, sont prévues pour gérer la présentation des contenus. Certains instructions permettent toutefois de générer des contenus via les feuilles de style. Dans ce cas, la désactivation des styles, ou la mise en place de styles utilisateurs prenant le dessus conduira à la disparition pure et simple de ces contenus pour l’utilisateur. Ce sera par exemple le cas pour des utilisateurs de lecteurs d’écrans. Laurent Denis m’a parlé à de très nombreuses reprises de cette question, et lorsque j’ai échangé avec Daniel Glazman en vue de son interview, je lui ai demandé si les membres du CSS working group -qui produit les specifications CSS- se préoccupaient de ce type de détournement de la spécification pour des usages rendant des contenus inacccessibles. En m’efforçant de ne pas trahir sa pensée, disons que le sujet était selon lui encore insuffisamment pris en compte.
Bien entendu, la question a donc été posée à Daniel, je vous invite à consulter sur OpenWeb sa réponse sur le sujet. Quelques semaines après la réalisation de l’interview, Daniel est revenu vers nous pour que nous lui fournissions des exemples de détournements de ce type. Laurent a immédiatement proposé le cas Wikipedia. Laurent connait ce cas comme personne en tant qu’utilisateur et contributeur émérite sur l’accessibilité numérique.
Les exemples de pseudo-contenu CSS ne manquent en effet pas dans Wikipédia, malgré les mises en garde à ce sujet. On y trouve ainsi de nombreuses pseudo-cartes de géolocalisation : Essayez par exemple de visualiser la localisation du siège de Temesis sur la carte de France en désactivant les styles dans votre navigateur. Dans d’autres cas, c’est la couleur appliquée via CSS qui génère seule l’information portée par une table périodique des éléments ou encore la signification d’une légende. Les arbres généralogiques ne sont pas épargnés non plus. Mais le plus intéressant, dans plusieurs de ces exemples, c’est de voir à quel point ils renvoient à une certaine économie de moyens qui s’avère éminement critique pour l’accessibilité: ainsi, le système de géolocalisation élaboré pour Wikipédia évite aux contributeurs la création de multiples cartes accessibles (ou aux développeurs la mise en place d’une extension à même d’automatiser la production de ces cartes).
Finalement, à lire l’un des derniers billets du Glazblog, il semblerait bien que les choses bougent, puisque Daniel annonce sur son blog que Le CSS WG a même décidé d’insérer dans la spec une note le signalant et lance un appel à Wikipedia pour éviter ce genre de pratiques sur l’encyclopédie libre (bien que l’appel de Daniel soit en fait légèrement décalé par rapport aux pratiques en question, celles-ci ne faisant pratiquement pas appel aux pseudo-éléments :after et :before ni à la propriété content) . Tout cela me confirme que les tâcherons que nous sommes, qui auditent les sites en bout de chaine, peuvent sans doute apporter beaucoup (bien que discrètement) au processus de standardisation.