Le , par Biljana Michel - Accessibilité
Les obligations en matière d’accessibilité numérique pour les entreprises privées en Italie sont longtemps restées floues. L’Agence pour l’Italie Numérique (AgID - Agenzia per l’Italia digitale) en a récemment clarifié les modalités.
La Loi Stanca
La loi n°4 du 9 janvier 2004, dite Loi Stanca, du nom de Lucio Stanca, ministre de l’Innovation et des Technologies du second gouvernement Berlusconi, a pour objectif de garantir l’égalité de tous face au numérique. C’est une loi transpartisane, bâtie sur les propositions de parlementaires de différents bords. Régulièrement amendée pour suivre l’évolution des besoins, elle définit le cadre légal actuel.
Que dit la loi Stanca ?
Son objectif initial était de rendre accessible aux personnes avec un handicap les services publics numériques. Elle a évolué depuis dans ses décrets d’application. En 2018, la directive européenne 2016/2102 a été prise en compte en s’appuyant sur la norme technique EN 301 549. La date butoir de mise en conformité des sites web et des applications mobiles était fixée au 5 novembre 2022.
Qui est concerné ?
A l’origine, les obligations de la Loi Stanca visaient les services publics, répartis dans sept catégories suivantes :
- Administrations publiques ;
- Services publics ;
- Sociétés municipales régionales ;
- Organismes publics ;
- Entreprises de transport et de télécommunication à participation majoritairement publique et les prestataires de services informatiques ;
- Sous-traitants en technologies de l’information auprès d’organismes publics ;
- Organismes qui reçoivent des fonds publics.
Mais en juillet 2020, un décret-loi a élargi ce périmètre aux entreprises privées qui offraient des services au public au travers des sites internet ou des applications mobiles. Il faut toutefois qu’elles enregistrent un chiffre d’affaires moyen de 500 millions d’euros sur les trois dernières années d’activité.
Néanmoins, un grand flou persistait autour des modalités exactes pour l’application de la Loi Stanca au secteur privé. L’AgID a publié en janvier 2023 la circulaire n°3 de 2022 (Circolare n. 3-2022), qui clarifie enfin les questions en suspens jusque-là.
500 millions pour le groupe
Le seuil de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires est à considérer pour l’ensemble d’un groupe, pas pour ses entités constitutives isolément.
Des sanctions individuelles
Le calcul du montant des sanctions, jusqu’à 5% du chiffre d’affaires n’est lui pas mutualisé. C’est bien le chiffre d’affaires des entités fautives qui sera utilisé.
Les services essentiels
Les entreprises concernées sont celles qui fournissent un service considéré comme essentiel. Selon l’AgID, il s’agit de :
- l’énergie ;
- l’eau ;
- la banque ;
- l’assurance ;
- l’éducation ;
- la santé ;
- l’assistance publique ;
- les services funéraires ;
- les services vétérinaires ;
- les télécommunications.
Les produits de base
En outre, les entreprises qui commercialisent des produits dits de base sont elles aussi soumises à la Loi Stanca. On parle ici :
- de la nourriture et la boisson ;
- des appareils électroménagers, de télécommunication et informatique ;
- du tabac ;
- de la quincaillerie, de la peinture, du matériel électrique et de chauffage ;
- des produits sanitaires ;
- des éclairages ;
- des médicaments, du matériel médical et orthopédique ;
- des produits d’hygiène ;
- du matériel d’optique et de photographie ;
- du combustible pour chauffage ;
- des produits d’entretien.
Les entreprises étrangères aussi
A partir du moment où une entreprise offre des services en Italie, même si elle n’y est pas domiciliée, elle doit se conformer à la Loi Stanca, sous peine de poursuites.
La mise en conformité des contrats
La date butoir pour la mise en conformité des contrats avec les exigences en matière d’accessibilité numérique a été fixée au 26 avril 2023 sous peine de nullité. Normalement, cela devrait déjà être le cas pour tous ceux signés depuis le 26 avril 2022.
La surveillance et les sanctions
C’est aussi l’AgID qui est chargée de faire appliquer la Loi Stanca. Elle effectue des contrôles et peut sanctionner les contrevenants en leur fixant des délais pour remédier aux manquements constatés.
Le décret 82/2022
Le décret 82/2022 de mai 2022 a pour but de transposer dans le droit italien la directive européenne 2019/88. Il prévoit une date d’application au 28 juin 2025, avec une potentielle période de transition jusqu’au 28 juin 2030.
Quels sont les produits et services concernés ?
La directive 2019/88 couvre les produits et services suivants :
- les ordinateurs et systèmes d’exploitation ;
- les distributeurs automatiques de billets, les distributeurs de titres de transport et les bornes d’enregistrement automatiques ;
- les smartphones ;
- les équipements de télévision reliés à des services de télévision numériques ;
- les services de téléphonie et équipements connexes ;
- l’accès à des services de médias audiovisuels, tels que les émissions télévisées et les équipements grand public correspondants ;
- les services liés au transport aérien, ferroviaire, par voie de navigation intérieure et par autobus de passagers ;
- les services bancaires ;
- les livres électroniques ;
- le commerce électronique.
Quelles sanctions ?
Les amendes prévues en cas de non-conformité vont de 5000 à 40000€. Le refus d’appliquer les mesures de l’autorité de surveillance ou de simplement coopérer peut lui être sanctionné de 2500 à 30000€.
Quelles conséquences par rapport à la Loi Stanca ?
A partir du 28 juin 2025, tous les acteurs du secteur numérique, à l’exception des micro-entreprises, devront s’adapter aux obligations contenues dans le décret d’application de la directive européenne. Cela concerne donc aussi ceux déjà ciblés par la Loi Stanca.
Conclusion
En conclusion, grâce à l’action de l’AgID, les obligations légales aux entreprises privées en matière d’accessibilité numérique ont enfin un cadre précis et univoque, en attendant l’application de la transposition de la directive européenne pour 2025. Comme l’AgID est également chargée de la surveillance et du contrôle de la bonne application de ces obligations, il reste comme toujours l’épineuse question des moyens alloués pour ces missions.