Le , par Aurélien Levy - Accessibilité
Avertissement : cet article a été publié en 2017. Son contenu n'est peut-être plus d'actualité.
Nous vous avons récemment annoncé l’arrivée prochaine d’un RGAA V3 basé sur le référentiel Accessiweb HTML5. Depuis cette annonce, les choses ont été officialisées par le biais d’un billet sur le blog d’Armony Altinier et d’échanges sur la liste du groupe de Travail Accessiweb.
Comme je l’ai dit précédemment sur le fond technique cette évolution est une bonne chose et constitue une formidable base de travail. Je voudrais donc aujourd’hui faire ma liste de courses au petit papa DISIC et à ses petits lutins Jean Pierre Villain et Olivier Nourry notamment que je sais être des personnes intelligentes et à l’écoute.
De la concertation et de l’impartialité
Aussi bon soit le référentiel de base, il me semble nécessaire de porter aux regards critiques du plus grand nombre ce qui va devenir le nouveau référentiel d’état. Sur ce point, il semblerait que ce souhait soit déjà en partie exaucé puisque Armony Altinier a confirmé la consultation du Groupe de Travail Accessiweb (GTA) et la tenue d’un appel à commentaire public ultérieur.
Pour ma part, j’insisterai particulièrement sur l’intérêt et la durée de l’appel à commentaires publics. Aussi compétents soient les membres du GTA, ils n’en restent pas moins qu’ils ont pour la plupart d’entre eux été élevés uniquement aux grains Accessiweb. Je ne m’attends donc pas à un raz de marée de commentaires exprimant des voix divergentes de ce qu’on leur a enseignés.
Enfin, il faut bien dire que les personnes en situation de handicap sont bien peu représentées au sein du GTA et des experts référents. Il me semblerait logique qu’a minima les associations de personnes handicapées soient consultées dans la validation de ce nouveau référentiel.
Enfin, j’invite la DISIC au maximum d’ouverture et de transparence sur l’ensemble de ce processus de conception et de validation. Les non-dits et le mystère étant parfois plus destructeurs que l’inverse. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.
De l’usabilité du document technique dans le monde réel
- J’aimerais un référentiel technique qui prend en compte le contexte du web mobile et ses spécificités, faute de quoi il va sérieusement falloir être très pédagogique pour expliquer aux milliers d’utilisateurs quotidiens du mobile pourquoi un site web mobile peut toujours les empêcher de zoomer ou bloquer leur lecture à coup de fenêtres modales mal fichues.
- J’aimerais un référentiel technique utilisable dans l’ensemble des contextes techniques notamment pour ceux qui n’utilisent pas encore HTML5 ou ARIA et ceux qui l’utilisent mais sur une base XHTML ou HTML4
- J’aimerais un référentiel technique qui propose une lecture par profil métier à la manière de ce que propose Accede-web
- J’aimerais un référentiel technique qui permet de prioriser les critères selon leur impact utilisateur à l’image de ce que prévoyais MIPAW
- J’aimerais un référentiel technique qui ne se contente pas d’intitulé de tests mais propose réellement un moyen de comprendre comment réaliser ces tests (un peu comme pouvais le faire le Guide Accessiweb jamais mis à jour malheureusement (ou les étapes de tests du RGAA V2 avec le peu de réussite qu’on leur connaît malheureusement aussi)
- J’aimerais un référentiel technique qui me dit si telle ou telle propriété ARIA fonctionne dans telle ou telle aide technique et qui me laisse choisir moi même la base sur laquelle je m’engage en fonction de mes besoins utilisateurs (un nombre de conditions devant bien sûr être posées pour cela).
- J’aimerais un référentiel technique qui ne fait pas de simple designs patterns ARIA conseillés, des obligations absolues
- J’aimerais un référentiel technique qui me fournit des solutions techniques toutes faites comme peut le faire le gouvernement fédéral canadien ou assets cms gov
De l’emploi des techniques WCAG
Comme je l’ai récemment indiqué dans un billet personnel, Accessiweb a fait des choix sur la prise en compte ou non et sur l’interprétation des techniques WCAG et des documents accompagnant la spécification HTML5. En soi, il est tout à fait logique et normal de faire des choix. Néanmoins, à l’heure où la perspective d’une directive européenne et d’un référentiel européen se fait de plus en plus proche, il me semble capital d’indiquer précisément si les tests sont le résultat d’un choix ou pas, pourquoi, sur quels critères ont été fait ces choix et comment a été prise la décision (consultation des utilisateurs, support des aides techniques, etc). Fort de ces arguments, il sera alors temps de défendre ces choix lors du passage devant les différentes commissions européennes et nationales (CCEN et CNH notamment)
De la carotte et du baton
Enfin et avant tout je souhaiterais un référentiel que les gens mettent en œuvre pour que les utilisateurs aient enfin accès aux services et à l’information.
Un nouveau référentiel technique mis à jour et maintenu, un plan de communication et des contenus types de formation c’est très bien mais compte tenu du contexte économique actuel je me permets tout de même de douter fortement du changement massif que cela entrainera. Il est pour moi toujours et plus que jamais nécessaire que cela soit accompagné d’obligations fermes en matière de mise en œuvre et de déploiement, d’incitations financières, de sanctions financières ou d’un service d’accompagnement présent en permanence et sur la durée pour aider et accompagner ceux qui veulent se mettre en conformité. Faire une liste de 10 ou 15 « bons élèves » par an c’est bien et utile mais ça ne change pas la situation et les mentalités de tout un pays.
De plus, faire financer tout cela par le FIPHFP c’est une première étape mais sauf erreur de ma part le FIPHFP est avant tout destiné à financer les sites ayant rapport à l’insertion professionnelle de personnes handicapées dans la fonction publique. On peut notamment lire ici « La DISIC évaluera s’il est pertinent d’investir dans le système d’information en question. Si cela est le cas, l’employeur public pourra solliciter un cofinancement au FIPHFP pour réaliser les travaux de mise en accessibilité de son SI. ». Ainsi que « La DISIC souhaite rendre accessible un SI par ministère et par an. »
Il va donc y avoir une « sélection » des candidats pouvant bénéficier de ce financement. Quand bien même le FIPHFP financerait la totalité de la mise en conformité (et pas uniquement l’audit et les coûts d’un processus de labellisation qu’il s’impose à lui même) de l’ensemble des intranets et des outils de travail des personnes handicapées cela laissera toujours de coté les sites de communications grands publics notamment ceux des collectivités territoriales pour qui rien n’est prévu à l’heure actuelle.
De l’innovation au service de tous
La DISIC nous dit également « Notre objectif : être innovant dans l’évolution des normes (…) L’innovation doit également faciliter l’évaluation des SI ».
C’est super d’être innovant dans l’évaluation mais l’innovation dans la mise en œuvre me semble plus utile. Le but premier ne doit pas être uniquement de rendre plus facile l’évaluation mais de rendre également possible et plus facile la mise en œuvre de l’accessibilité.
Il pourrait par exemple être intéressant de profiter de l’occasion pour rendre l’enseignement de l’accessibilité numérique obligatoire dans les cursus de formation au numérique dans la filière publique et dans les organismes reconnus par l’Etat, comme cela peut être le cas pour les architectes.
Pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour également inciter au mécénat d’entreprise au profit de l’administration en jouant sur le % de déduction fiscale ou sa limite (60% limité à 5 pour mille de son chiffre d’affaire actuellement) ? Il me semblerait en effet logique qu’une entreprise qui décide de mettre gratuitement à disposition un de ses salariés pour apporter des compétences et faire évoluer la qualité des services de l’administration ne se retrouve pas doublement pénalisée par la perte d’une ressource créatrice de valeur pour elle et par un plafond de déduction trop restreint.
L’occasion de refonte de ce RGAA ne doit pas être une occasion manquée de plus. Il est venu le temps de réfléchir à comment réellement faire avancer les choses. J’espère sincèrement que les concepteurs du RGAA sauront entendre ce message.