Le , par Olivier Keul - Accessibilité
Temps de lecture estimé : 59 minutes.
Dans le dernier podcast innovation de Docaposte « Tendances Inno » dédié à l’accessibilité numérique, l’objectif était de décrypter les enjeux d’un web inclusif :
- Comprendre l’importance de l’accessibilité numérique
- Les défis des entreprises pour rendre leurs sites web accessibles
- Les solutions pour un numérique plus équitable
Quelques informations pour le contexte :
- Date de sortie : 10 mars 2025
- Date de tournage : 16 octobre 2024
Remerciements
Merci à Marina Adatto, Olivier Senot et Benjamin Kaminski pour l’invitation et pour la qualité des échanges.
Merci à Anna Oquidam pour la transcription textuelle.
Écouter le podcast
Pour écouter le podcast : Accessibilité numérique : construire un web pour tous.
Transcription textuelle
Marine Adatto : Bienvenue dans Tendance inno, votre rendez-vous pour explorer les technologies émergentes présentées par Docaposte, le référent français de la confiance numérique. Je suis Marine Adatto et j’ai le plaisir d’être accompagnée par Olivier Senot, directeur de l’innovation chez Docaposte. Dans ce podcast, nous vous emmenons à la rencontre des innovateurs et des créateurs qui redéfinissent notre monde numérique. Que votre curiosité vous porte vers le Web3, l’IA ou toute autre technologie émergente, vous êtes au bon endroit. Préparez-vous à une dose d’inspiration et d’information. Au programme : des découvertes, des défis et des solutions innovantes. Alors branchez vos écouteurs, ouvrez votre esprit et plongez avec nous dans l’univers de Tendance inno.
[Musique]
Marine Adatto : Si je vous dis site web, déclaration d’accessibilité et transparence numérique, est-ce que ça vous parle ? Ou comme pour beaucoup, ce sont des termes encore trop flous. Saviez-vous qu’en France, moins de 3% des démarches en ligne répondent vraiment aux nombres d’accessibilité numérique. Un chiffre saisissant dans une société où chacun devrait pouvoir naviguer en ligne sans obstacle.
Aujourd’hui, je vous propose d’explorer un sujet essentiel, l’accessibilité numérique. Pourquoi ce thème est-il encore un défi et comment garantir un accès équitable pour tous dans le monde digital ? Pour nous éclairer, nous accueillons avec Olivier Senot, Olivier Keul, expert et co-directeur du service Accessibilité Numérique chez Temesis.
Alors comment l’accessibilité numérique peut-elle transformer l’expérience utilisateur ? Quelles sont les étapes concrètes que les entreprises devraient suivre pour garantir une inclusion numérique réelle ? Et surtout, quels sont les défis à surmonter pour que ce sujet devienne une priorité ? Un épisode qui invite à repenser l’accès au digital pour chacun. Olivier, c’est à toi.
Olivier Senot : Bonjour Marine, merci. Olivier n’est pas le frère de Michael (émoticone clin d’œil à ceux qui ont la ref). Olivier est plutôt à classer dans la catégorie des doers dans le domaine du numérique accessible à tous et une figure de l’engagement dans ce domaine. Diplômé en 2007 et un début de carrière très classique, bien que déjà marqué par l’accessibilité en 2008, c’est chez Clever Age que tu concilies pleinement ton amour pour cette discipline avec ton engagement sociétal avant de rejoindre Temesis, vortex de l’accessibilité si l’en est. Au fil des années, tu as développé tes compétences et ton aura dans des entreprises innovantes en les impliquant dans le développement de solutions technologiques visant à rendre le web plus accessible.
Ta passion pour l’inclusion ira au-delà de l’entreprise puisque tu as aussi collaboré avec des organisations à but non lucratif et des institutions pour promouvoir des normes d’accessibilité dans le secteur numérique.
Connu et reconnu pour tes interventions lors de conférences et de séminaires où tu partages ton expertise sur l’accessibilité avec une approche philosophique, humaine et éthique de ses enjeux, la conviction que la technologie doit servir l’humanité dans son ensemble et non pas créer des barrières chevillée au corps, une qualité que je ne saurais trop féliciter en s’étant de course à l’échalote, de puissance et de suprématie technologique.
Entre choix stratégiques des entreprises et respect de l’humain, le législateur veille aussi au grain mais est-ce suffisant dans un monde qui accélère ? Olivier, nous t’écoutons.
Olivier Keul : Merci. [Rire]. C’est une très belle introduction. On peut parler d’accessibilité numérique. L’objectif c’est de se dire… déjà poser un peu le constat, de savoir de quoi on parle. Quand on parle d’accessibilité numérique, l’objectif c’est de se rendre compte qu’il y a des personnes, des personnes handicapées qui ne peuvent pas accéder à des produits ou à des services numériques. L’objectif c’est donc que ces personnes handicapées puissent y accéder.
Dans les actions qu’on va demander, il n’y a rien de bien compliqué. On va demander à ce qu’elles puissent percevoir, comprendre, utiliser, interagir, contribuer, bref, qu’elles puissent faire exactement la même chose que tout le monde, que des personnes dites valides. L’accessibilité numérique, si on devait résumer à ça, ça se résume très rapidement en rendre accessible le service numérique pour tout le monde et notamment pour les personnes handicapées
.
Marine Adatto : Pour démarrer, ce que je vous propose à tous les deux, c’est un quiz. L’idée c’est vraiment d’avoir une vision globale pour reprendre exactement ce que tu viens d’expliquer.
Alors la première question : Parmi les sites web vérifiés en France, quel pourcentage respecte réellement leurs obligations d’affichage en matière d’accessibilité comme la mention d’accessibilité sur la page d’accueil, une déclaration d’accessibilité ou un plan pluriannuel ? 1,5%, 4,51% ou 20,95% ?
Olivier Keul : Alors c’est clairement pas 20 et de mémoire, euh… Là on est juste sur les obligations déclaratives c’est ça ?
Marine Adatto : Oui.
Olivier Keul : Je dirais, je crois que c’est 4%. C’est ça ? C’était 1,5 ?
Marine Adatto : 4% Olivier, tu dis ?
Olivier Senot : Oui je vais m’aligner direct parce que j’ai un spécialiste en face.
Marine Adatto : Tu sais, tu choisis ton camp direct, tu as raison. Mais en fait c’est ça, c’est 4,51% sur 4147 sites contrôlés. Donc 4,51% remplissent toutes les obligations d’affichage pour l’accessibilité avec un nombre limité qui respecte quand même les étapes de base. Juste quelques chiffres, hein, pour avoir une vision assez claire du chemin à parcourir : seulement 16,52% des sites soit 685 ont une mention d’accessibilité visible sur la page d’accueil.
Olivier Keul : C’est ça.
Marine Adatto : 20,98% soit 870 sites ont publié une déclaration d’accessibilité et à peine 5,28% soit 219 sites ont publié un schéma pluriannuel c’est-à-dire un document stratégique que les organisations publiques et certaines entreprises doivent élaborer pour planifier, structurer leurs actions en matière d’accessibilité (on y reviendra) sur plusieurs années. Généralement c’est sur 3 ans si je ne me trompe pas.
Deuxième question : Quel secteur obtient le taux de conformité le plus élevé aux critères d’accessibilité du référentiel général d’amélioration de l’accessibilité ? Secteur public, secteur bancaire ou e-commerce ?
Olivier Keul : Euuuh, là comme ça je dirais le secteur public.
Marine Adatto : Ouais ?
Olivier Senot : Oui, oui… ça, par expérience, c’est le secteur public. [Rires].
Olivier Keul : Je pense qu’il y a un besoin d’exemplarité.
Marine Adatto : Exactement, c’est ça. Avec un taux de conformité moyen de 69%. Donc il dépasse de loin les autres secteurs. Le secteur bancaire c’est 61% et l’e-commerce c’est 36%. C’est un résultat en grande partie dû aux obligations légales qui ont été introduites depuis 2005 pour les services de l’Etat qui montrent que les réglementations bien appliquées peuvent avoir un impact positif sur l’accessibilité numérique. Nous y reviendrons évidemment.
Dernière question : Quel est le principal défi pour les utilisateurs en situation de handicap lorsqu’ils naviguent sur les sites de commerce en ligne ? Est-ce la navigation par clavier, l’absence de description pour les images ou les bannières de cookies et les pop-up dynamiques ?
Olivier Keul : Huuuum… Alors on a une étude qui nous dit que c’est aucun, enfin pas l’un des trois. [Rires]. Mais là dans la réponse je dirais… je pense que la navigation clavier c’est effectivement un point qui est bloquant.
Mais on a une étude de WebAIM qui est un organisme qui est sur la promotion de l’accessibilité outre atlantique. Ils font une étude tous les ans où ils demandent à différentes personnes qui ont des déficiences visuelles : quel est le point bloquant le plus important que vous rencontrez ? Et de loin toutes les années à chaque fois le top numéro 1 c’est le CAPTCHA. Vous savez, cette petite solution qui est censée détecter les robots des humains. Le problème c’est qu’elle arrive assez mal à détecter les humains des humains des personnes handicapées. Et donc elle considère souvent que la personne handicapée du coup n’a pas un usage qu’elle entend comme standard pour elle et donc va considérer que c’est un usage malveillant ou en tout cas qui a des particularités. Et donc c’est souvent un des points les plus bloquants.
Après pour répondre du coup à la question je dirais plutôt navigation clavier mais c’est peut-être pas la réponse.
Marine Adatto : Et non, mais cela dit ce ne doit pas être non plus aisé. Ce sont les bannières cookie et pop-up dynamiques mais donc ça rejoint aussi le CAPTCHA finalement, parce que ce sont en effet…
Olivier Keul : des éléments qui vont intervenir sur le site et qui vont du coup… En fait il y a une règle de base, un principe de base en accessibilité qui est qu’une action doit être sollicitée par l’utilisateur. Donc effectivement quand j’arrive sur un site web ou une application mobile et j’ai quelque chose qui arrive dessus sans que je sache ce que c’est, ça peut être perturbant pour l’utilisateur et puis même pour des personnes valides donc ça correspond à cet usage là effectivement.
Marine Adatto : Oui, voilà, exactement. Ça c’est pour la partie pop-up et c’est vrai que sur la partie cookie aussi tu dois choisir et ça complexifie encore plus, ça peut, et ça bloque d’ailleurs l’accès au contenu des pages.
Olivier Senot : D’ailleurs les nouveaux CAPTCHA ça va être encore pire parce qu’ils font appel à une double réflexion pour y répondre, ça va être…
Olivier Keul : Il y a tout un tas de CAPTCHA, il y a tout un temps pour faire un podcast sur les CAPTCHA et l’accessibilité tellement c’est un sujet intéressant, complexe, qui nécessite aussi d’avoir des responsables sécurité en face puisque c’est un… on est vraiment sur un sujet qui est au milieu entre plusieurs autres expertises et qui est hyper intéressant, qui est d’ailleurs propre aussi à plein d’autres sujets dans l’accessibilité : on va être des fois avec d’autres expertises de design ou de contribution.
Et donc là sur le sujet de la sécurité il est intéressant puisque le CAPTCHA est souvent une réponse à une problématique qu’on pose un peu vite mais qui n’est pas censée être la seule réponse possible. Donc on réfléchit avec les équipes sécurité à d’autres possibilités, mais effectivement sur les CAPTCHA il y a de plus en plus de nouvelles, euh… si on cite par exemple le CAPTCHA de google, le plus connu : ils ont changé les techniques maintenant donc il y a plus cette fameuse case à cocher qui nous posait soucis ou pire la fameuse mosaïque où il fallait aller retrouver le vélo où il fallait retrouver le feu de signalisation, des choses comme ça, mais ça ne change pas. Il y a toujours une problématique puisqu’il n’y a plus une interaction qui est demandée à l’utilisateur mais par contre on va vérifier le comportement de l’utilisateur et en fonction on donne un résultat au concepteur du site et c’est lui qui décide si oui ou non il bloquera l’utilisateur.
Donc au final ils ont été assez malins, c’est qu’ils ont déporté la responsabilité. Avant, je ne pouvais pas accéder au site à cause de l’outil de Google donc du CAPTCHA, puisque je ne suis pas en capacité à résoudre la mosaïque maintenant c’est plus eux puisqu’ils se contentent de fournir un résultat, et c’est moi concepteur du site qui décide de l’action que je fais donc c’est assez malin de leur part.
Marine Adatto : Malin en effet. Alors je vous propose de continuer avec un micro trottoir, donc nous sommes allés à la rencontre du grand public et nous leur avons demandé leur point de vue sur ce sujet avec une première question très simple : qu’est ce que le handicap pour vous ? Et voici la réponse.
Personne 1 : Alors ça peut être un handicap physique ça peut être un handicap mental et il n’y a pas d’âge c’est-à-dire ça peut être quelqu’un de jeune comme quelqu’un de moins jeune.
Personne 2 : L’handicap c’est le fait de ne pas avoir toutes ces capacités comme un humain normal pourrait avoir et c’est le fait d’avoir besoin d’aide au quotidien pour faire des tâches ne serait-ce que normal quoi.
Marine Adatto : Donc deux réponses, deux perspectives mais pour autant un même constat : le handicap c’est quelque chose qui ne discrimine ni par âge ni par nature mais par état et que ce soit physique ou mental et donc ça amène à une dépendance pour des gestes qui semblent simples pour nous, tu m’en parlais notamment avec le CAPTCHA, mais qui peuvent devenir des vrais défis au quotidien.
Olivier Keul : Bien sûr.
Marine Adatto : La deuxième question que nous avons posé c’est : est-ce qu’une personne aveugle peut commander un billet de train ?
Personne 3 : Alors je pense que… il y a des informations en braille à la gare SNCF.
Personne 4 : Alors oui je pense qu’une personne aveugle peut très bien commander un billet de train en se présentant au guichet directement. Mais encore faudrait-il qu’il trouve le guichet, pour ça je pense que les gares françaises en tout cas se sont bien équipées là dessus.
Marine Adatto : Voilà donc là on aussi entre espoir et réalité, on ne pense pas du tout au digital évidemment on va en garde direct et on se rend compte que justement l’accessibilité n’est pas une option mais une vraie nécessité.
Olivier Keul : Et juste ce qui est intéressant là dessus aussi c’est qu’au-delà du fait qu’effectivement ils pensent pas à l’aspect numérique, ils pensent uniquement à l’aspect physique, mais ils oublient, du coup, on a parlé… ils parlent de déficient, de personnes… enfin dans la question d’une personne ayant une déficience visuelle et on pense pas comment elle va aller jusqu’à cette gare.
Au-delà de réserver le billet, vous lui demandez quand même de sortir de chez elle, de son domicile et d’aller jusqu’à une gare pour peut-être réussir à commander mais là on a des… alors j’ai regardé un peu pour préparer ce petit podcast : l’accessibilité des transports parisiens donc notamment via la RATP on a 31 stations sur 300 qui est accessible et qui sont, donc c’est des chiffres de la RATP qui datent d’août 2024. Donc ça représente 10% de l’ensemble des stations et uniquement sur 3 lignes. Donc mémoire la 3, la 14 et une autre, la 11 peut-être. Mais donc ça veut dire : je fais comment si je suis sur une autre ligne ? Ou je fais comment si je suis sur cette ligne mais que je ne descends pas à la station qui est accessible ?
Donc déjà rien que sur le moyen de locomotion il y a un problème, et ensuite effectivement quand on arrive en gare encore faut-il réussir à commander son billet en sachant que le braille n’est pas parlé par toutes les personnes qui sont déficient visuelle. Donc faut aussi avoir appris le braille et puis la personne n’a pas forcément besoin de braille et peut juste parler avec une autre personne.
Donc c’est assez intéressant mais il y a effectivement l’oubli de la digitalisation et surtout le moyen de locomotion : comment je me rends à cet endroit là ?
Marine Adatto : Mhh… un vrai défi. Enfin, nous nous sommes penchés sur les critères pour rendre une vidéo accessible. Là on est vraiment aujourd’hui sur une consommation vidéo hyper massive alors qu’est ce qui fait qu’une vidéo va être accessible ? Voici la réponse.
Personne 5 : Euh… avoir les sous-titres, euh, pouvoir mettre du langage des signes sur les vidéos.
Marine Adatto : Donc sous-titres, langues des signes, vidéo accessible mais pas seulement, c’est pas que un texte écrit en bas de l’écran, c’est un ensemble des dispositifs qui vont permettre d’accéder au contenu, et une question bonus : avec le succès de Tiktok et cette hyper consommation on se demande si la plateforme joue le jeu de l’accessibilité ou pas ? On a posé cette question.
Personne 6 : Je pense que Tiktok respecte en partie les critères d’inclusion avec le fait qu’il y a une grande partie des vidéos qui sont sous-titrées.
Marine Adatto : En partie
, donc c’est la réponse qui ressort. Moi je suis curieuse d’avoir ton avis là-dessus : est-ce que Tiktok est un bon ou un mauvais élève ?
Olivier Keul : Euh…alors je ne suis pas utilisateur de Tiktok, en toute transparence [Rires]. Euh, de ce que j’ai vu passer, donc je suis vraiment pas un utilisateur régulier ou quoi, de ce que j’ai vu passer et comme sur à peu près toutes les plateformes il y a un usage du sous-titrage qui est assez important puisqu’il correspond à un besoin d’avoir un engagement et une audience plus importante puisque tout le monde ne peut pas selon la situation de mobilité le plus souvent, quand on regarde un Tiktok ou autre, sortir le casque ou écouter l’audio, donc souvent ça répond à ce besoin-là qui est nécessaire aussi pour les personnes handicapées donc qui ont des déficiences auditives.
Ce qui va souvent poser problème c’est que des fois le sous-titrage il va être plus anecdotique pour des fois souligner certaines parties mais pas l’ensemble. Et nous ce qu’on recherche niveau accessibilité c’est que le sous-titrage doit être une correspondance exacte de ce qui a été dit, tout comme on a besoin aussi d’une retranscription textuelle. Et tout comme dans la question on parlait aussi de langues des signes, et pas langage : c’est la langue des signes. Celle-là elle est intéressante et pour info il y a souvent une information qu’on n’a pas c’est que la langue des signes elle est spécifique à chaque pays. Donc on a la langue des signes française, la langue des signes américaine, etc., et donc il faut aussi avoir cette possibilité-là.
En sachant que dans les… on parlait un peu de critères ou autres, dans les critères d’accessibilité il y a plusieurs niveaux, on demandera pas que chaque contenu soit interprété en langue des signes, on demandera à minima un sous-titre, sous-titrage, une transcription textuelle, mais ça peut rester une bonne pratique. Et on l’a vu d’ailleurs quand il y a maintenant des communications gouvernementales sur l’audiovisuel ou autre, vous voyez toujours une petite pastille en bas à droite, donc un médaillon avec une interprète ou un interprète en langue des signes françaises qui va permettre de retranscrire.
Là aussi c’est un peu comme le braille, toutes les personnes déficientes auditives ne parlent pas forcément la langue des signes ou ne connaissent pas, ne comprennent pas la langue des signes. Donc c’est pas forcément la réponse à chaque fois absolue à tout mais comme souvent dans l’accessibilité c’est mettre en place plusieurs solutions pour avoir une inclusion la plus vaste possible.
Marine Adatto : Alors Olivier, pour poser les bases on a déjà parlé évidemment, mais l’accessibilité numérique exactement de quoi s’agit-il et pourquoi est ce que c’est aussi important aujourd’hui ?
Olivier Keul : L’accessibilité numérique, donc c’est faire en sorte que les personnes handicapées puissent accéder au service numérique. Donc ça peut être des sites web, des intranets, des logiciels, des applications mobiles, donc qu’elles puissent accéder à ces contenus, qu’elles puissent interagir, contribuer, en bref : faire les mêmes actions qu’une personne dite valide. Donc ça c’est l’objectif de l’accessibilité numérique.
Pourquoi ce sujet il est important ? Puisqu’en fait on parle de discrimination : lorsqu’une personne ne peut pas accéder à un service numérique, on la discrime en raison de son handicap. Ok ? Donc l’objectif pour les personnes qui sont dans de la conception dans du développement c’est de faire en sorte que quand ils se lèvent le matin ils ne produisent pas un service qui va discriminer, je pense que personne n’a envie de ça, de discriminer des utilisateurs ou des utilisatrices. Souvent c’est fait par méconnaissance du sujet, ils le font pas sciemment, mais ils le font parce qu’ils se sont pas rendu compte que leur travail avait un impact pour des personnes et qui pouvaient les discriminer.
On parlait dans les exemples de l’achat d’un billet de train, justement si je suis en train de travailler sur une entité qui me permet d’acheter des billets de train en ligne, je facilite quand même la vie d’une personne handicapée, notamment qui pourrait avoir des déficiences visuelles puisque je lui facilite l’achat d’un billet de train plutôt que de devoir se rendre directement dans un guichet. Donc c’est important, c’est un sujet qui est relativement vieux, hein, l’accessibilité. Souvent on pense que c’est un sujet récent, qui a quatre, cinq ans ou autre. L’accessibilité numérique c’est aussi vieux que le web lui-même.
Le web lui-même c’est 1989, et en fait ce qui est intéressant c’est que son père fondateur, donc la personne qui l’a créé, Tim Berners-Lee, dans sa vision du web il parlait déjà d’accessibilité. Donc dès 1989 il a cette fameuse phrase où il indique : le web doit être disponible quelle que soit les aptitudes physique ou mentales de la personne
.
Donc il y avait déjà cette notion d’accessibilité, donc c’est pas un sujet récent, après il a de plus en plus d’importance, surtout aujourd’hui, parce que notre monde il se digitalise beaucoup plus. On doit faire des rendez-vous médicaux maintenant en numérique, il y a des formalités administratives qui se font maintenant uniquement sur le numérique. Et donc plus tout devient numérique, et souvent on peut plus faire la même alternative en physique, plus il y a encore un plus gros besoin d’accessibilité numérique puisque on augmente malheureusement les chances d’avoir encore plus de discrimination. Donc, et puis là on parle pas d’illectronisme aussi, ça c’est un autre sujet, mais qui est parce que voilà : moi, mon papy plus il y a du numérique plus il est perdu, et lui il a besoin d’aller avec des personnes, de rencontrer des personnes. Donc il faut pas opposer le numérique à chaque fois et se dire je dois mettre une solution numérique qui enlève la solution physique qui existait déjà, ça doit être juste une alternative, mais voilà… c’est un vaste sujet.
Marine Adatto : Et justement en fait : en quoi cette accessibilité numérique va différer du monde physique ?
Olivier Keul : Alors, dans un premier temps je dirais qu’elles diffèrent pas forcément, en tout cas elles ont un premier point commun : le point commun c’est l’inadaptation de l’environnement. L’accessibilité physique et l’accessibilité numérique ont ce point commun, que l’environnement… qui est que l’environnement va créer la situation de handicap. Pour vous donner quelques exemples, si j’emménage dans une nouvelle maison qui n’a… et que je suis une personne à mobilité réduite donc une déficience motrice, si j’emménage dans une nouvelle maison et cette maison n’a pas été pensée donc pour les, on appelle ça les PMR, les Personnes à Mobilité Réduite, c’est bien l’environnement, la maison qui n’a pas été pensée pour mon besoin. Ok ? Si par contre dès la construction cette maison a été pensée pour moi, j’ai pas de problème. Pareil pour le numérique : si une fois que le site il est en ligne on se demande mais du coup est ce que des personnes handicapées, peut-être qui ont des déficiences visuelles, auditives ou cognitives peuvent y accéder ?
, là c’est trop tard, c’est le produit qui n’a pas été pensé pour moi.
Donc je dirais, le principal point commun c’est ça : c’est l’inadaptation de l’environnement. C’est l’environnement qui crée la situation de handicap. Et le point du coup pour répondre à la question, le point qui peut-être diverge un peu, je dirais que ça va être sur le budget. C’est quand même beaucoup plus cher de rendre quelque chose accessible dans le dans le monde physique que dans le monde du numérique. Pour reprendre l’analogie avec la RATP, là aussi j’ai regardé les chiffres, ils ont fait un plan, surtout avec les JO qu’on a eu et les jeux paralympiques, de mise en conformité de l’ensemble des transports en île de France. Le plan il s’élève entre 20 et 30 milliards sur 20 ans, étalés sur 20 ans.
Pour arriver à ces budgets là dans le monde numérique, sur un produit, il faut quand même un site assez costaud [Rires]. À ma connaissance, je n’en connais pas. Donc bien sûr il faut mettre au prorata, et c’est des échelles différentes, mais c’est pour montrer que très souvent quand même c’est moins coûteux de tout casser et de refaire bien sur du numérique que sur du physique, et donc plutôt que de tout casser on peut aussi faire bien dès le départ.
Marine Adatto : C’est ça, c’est penser une architecture initiale adaptée, adaptée à tous. Donc ça touche directement le quotidien de beaucoup de personnes, est-ce que tu peux donner des exemples concrets ? Tu parlais du CAPTCHA tout à l’heure, mais tu vois, d’obstacles que peuvent rencontrer des personnes en situation de handicap quand ils sont sur internet.
Olivier Keul : Donc quelques exemples comme ça : on peut avoir donc des personnes qui ont une déficience, on en a parlé, auditive et qui vont avoir besoin pour écouter un podcast, par exemple, d’une transcription textuelle, qui vont avoir besoin de sous-titrage si jamais il y a des dialogues ou il y a des voix off ou des choses qui sont dites.
On peut avoir des personnes qui ont une déficience motrice, donc par exemple le plus connu qui peut être paraplégique, et qui vont utiliser ce qu’on appelle une dictée vocale. Donc une dictée vocale ils vont demander à un logiciel d’effectuer des actions sur l’écran, donc sur un site ou sur un mobile. Donc par exemple ils vont sur leur site e-commerce préféré et ils vont dire ajouter au panier
. Sauf que si le site n’a pas été conçu de la bonne façon, donc en respectant les critères d’accessibilité, la dictée vocale, cet outil-là ne trouvera pas le bouton ajouter au panier
puisque, imaginons, il y a juste un pictogramme, une icône avec un petit panier, mais qui n’a pas été étiqueté, labellisé comme un bouton ajouter au panier
. Du coup le logiciel ne pourra pas le trouver. Ça, ça va être un point de blocage.
Et pareil pour des personnes qui ont des déficiences visuelles, elles vont utiliser le plus souvent ce qu’on appelle un lecteur d’écran, donc qui intègre au final une synthèse vocale, qui va vocaliser l’ensemble du contenu d’une page web ou d’une application mobile. Et pour que ça vocalise correctement, il faut que ce soit conçu correctement, sinon la personne elle va être bloquée sur ses actions, elle va pas comprendre comment réaliser telle ou telle action. Donc il y a beaucoup, beaucoup de cas d’obstacles possibles.
En accessibilité on considère qu’il y a quatre déficiences, et qui ont chacune des obstacles différents qui peuvent être conjoints. Donc les déficiences qui vont être concernées par l’accessibilité numérique, on en a parlé, donc il y a : les visuels, déficiences visuelles, personne aveugle ou malvoyante ; déficience auditive, une personne qui peut être malentendante ou sourde ; déficience motrice ; et déficience cognitive.
Déficience cognitive c’est celle qui est la plus difficile au niveau accessibilité numérique à couvrir, si par exemple j’ai des troubles autistiques, qu’est ce que je vais pouvoir vraiment améliorer sur mon contenu ? Si j’ai des troubles de l’apprentissage ? Donc on pourra avoir, si par exemple si j’ai des troubles de l’attention, on en a parlé un peu, éviter d’avoir des contenus en mouvement. Le fameux carrousel, le fameux diaporama qui est en lecture automatique tout le temps, ça il va me gêner dans mon attention ce contenu là. Dès que j’ai des actions non-sollicitées, ça peut me gêner dans mon attention.
Donc voilà on a des petites choses comme ça qui peuvent être des obstacles, et comme je vous disais, le CAPTCHA est pour le moment un des premiers mais ensuite souvent on peut avoir aussi la navigation clavier, donc on peut avoir des personnes qui naviguent au clavier, qui peuvent pas utiliser un trackpad ou la souris, et donc pour ça également il faut que le site ou l’application ait été conçu correctement.
Marine Adatto : Alors on entend souvent dire qu’il reste beaucoup de choses à faire en France en termes d’accessibilité numérique, quels sont selon toi les plus grands défis des entreprises ? Comment est-ce qu’elles peuvent vraiment s’engager là-dedans ?
Olivier Keul : Donc, les grands enjeux qu’elles ont, ça va être de prendre en compte l’accessibilité numérique. Donc, ça veut dire revoir le process, l’ensemble des méthodes de travail pour prendre en compte ce sujet-là. Donc, ça veut dire, en premier point, elles vont devoir former les équipes. Donc, les équipes opérationnelles, ça peut être les designers, l’équipe des designs, de développement, la contribution, recette, etc.
Elles vont devoir également mettre en place une stratégie de mise en accessibilité. Donc, tu en as un peu parlé, je crois, en introduction, le fameux schéma en France, le schéma pluriannuel de mise en accessibilité. Ça, c’est un document qui a un nom barbare, mais qui est très important puisqu’il permet de définir la stratégie de mise en accessibilité. Donc, ça veut dire, par exemple, on fait une cartographie. Quels services numériques j’ai au sein de mon entité ou de mon groupe ? Je vais lister tous les sites web, toutes les applications mobiles. Donc, déjà, ça, ça commence à faire un travail conséquent.
Et ensuite, je vais prioriser par quoi je vais commencer dans ces différents outils, dans ces différents services. Et puis, quelles sont les actions que je vais mener. Donc, souvent, les enjeux qu’elles ont, ces entreprises-là, c’est un nouveau sujet pour elles, même si on a dit que c’était un sujet ancien, mais c’est un nouveau sujet. Donc, c’est le prendre comme n’importe quel autre sujet, au même titre que de la sécurité, la performance, du SEO, ou d’autres sujets, mais il a une valeur sociale qui est assez forte puisque on parle de personnes handicapées. Donc, l’objectif pour ces entreprises, c’est de déployer une stratégie de mise en accessibilité et ensuite, de découler les différentes actions derrière, changer, comme on a dit, les différents processus de travail, former les équipes, etc.
Marine Adatto : Je reviens juste sur quelque chose que t’as dit tout à l’heure, sur les différentes formes de handicap, notamment sur les troubles cognitifs. Aujourd’hui, on est quand même dans une économie de l’attention avec des réseaux sociaux et des algorithmes qui travaillent là-dessus, sur justement, toutes ces parties cognitives. Donc, c’est une vraie problématique d’accessibilité.
Olivier Keul : Oui, oui, totalement.
Marine Adatto : Ces algorithmes, comment les entreprises peuvent aussi aujourd’hui s’adapter par rapport à ça ? Alors, on s’en est parlé aussi, les sous-titres, mais ça, c’est plus finalement aussi des réponses dans les vidéos aux besoins des algos et pour arrêter aussi le scroll. Pour autant, les plateformes proposent des sous-titres automatiques, mais là, on a une espèce d’opposition entre justement ce besoin de capter l’attention et comment faire pour être inclusif.
Olivier Keul : Alors, c’est un point intéressant. Tu soulèves deux points. Un point qui est effectivement sur, par exemple, le sous-titrage automatique, ce n’est pas une solution fiable d’un point de vue d’accessibilité numérique puisqu’il y a des sources d’erreur trop importantes. C’est par contre une très bonne base de travail pour commencer à faire du sous-titrage, mais ça ne peut pas être une solution pertinente pour les personnes qui ont des déficiences auditives.
Et le deuxième point que tu soulignes, en accessibilité numérique, on ne peut pas couvrir tous les usages. Ok ? Et ce que t’indiques est vrai, c’est que on peut avoir d’une part des sous-titres, une transcription, tout ce qu’on veut et d’autre part, je vais avoir un sujet sur, ben oui, mais là, je capte mon utilisateur, je l’enferme un peu dans une capsule ou autre, mais au final, est-ce que je le fais que pour les personnes handicapées ou est-ce que je le fais pour tout le monde ? Et nous, notre point, il est sur la discrimination à partir du moment où tout le monde a le même problème entre guillemets, c’est plus une discrimination, c’est peut-être un problème plus d’expérience utilisateur, mais du coup, on n’ira pas sur ce terrain-là.
Au final, l’accessibilité numérique, ce qu’on essaye de faire, c’est de couvrir le plus possible d’usage, mais on sait très bien qu’on pourra pas tout couvrir. Il y a souvent une phrase qu’on répète, c’est que on peut pas faire 100 % accessible, ça n’existe pas. On est 100 % conforme à un référentiel d’accessibilité, tout comme si on a parlé tout à l’heure de la sécurité, on peut être 100 % conforme à un référentiel de sécurité. Par contre, si un jour, vous faites un podcast sur la sécurité, je vous mets au défi de demander à un expert en sécurité de certifier que tel service numérique est 100 % sécurisé. Normalement, une fois qu’il a dit ça, 10 minutes après, il y a une faille sur son site. [Rires]. Sur l’accessibilité, c’est pareil, 100 % accessible, ça n’existe pas. Je suis 100 % conforme à un référentiel d’accessibilité et ensuite, il me reste plein d’autres cas d’usage à traiter.
Par contre, ça reste un très bon niveau quand même. Je suis pas en train de dire que 100 % conforme à un référentiel, c’est pas bien, c’est une très très très bonne base, mais ensuite, il faut continuer le chantier.
Marine Adatto : Et alors, quels sont les freins à la sensibilisation des entreprises et du public aujourd’hui qu’on rencontre ?
Olivier Keul : Alors, les freins, il y a soit la méconnaissance du sujet, qui est le frein principal, je pense. C’est comme je vous disais tout à l’heure, je pense pas qu’une personne se lève le matin en disant chouette, aujourd’hui, je vais discriminer des gens
. Donc, c’est plus je ne savais pas. Je ne savais pas que les personnes pouvaient naviguer de telle façon, utiliser les services numériques
. Donc, la méconnaissance du sujet et ensuite, alors, c’est l’aspect que je vais être un peu plus cynique, c’est que le frein principal, je pense, notamment en France, c’est le manque de sanctions pour le moment.
Tant qu’on n’attaque pas le portefeuille et qu’il n’y a pas une sanction forte, il y a une gestion des risques qui est assez classique qui est de se dire voilà, l’argent que ça va me coûter, le budget que ça va me prendre. C’est un peu cynique de penser ça, mais c’est le cas. Voilà ce que ça me coûte, voilà ce que ça pourrait me coûter si jamais je ne le fais pas et du coup, on omet un peu malheureusement l’aspect humain derrière, c’est juste une gestion de risque financière et ça souvent, c’est un frein.
Pourquoi je dis que c’est un frein ? Parce que on remarque dans d’autres sujets, ça, c’est pas du tout passé comme ça. Si je prends l’exemple du RGPD, on en a beaucoup parlé. Donc, le fameux Référentiel de Protection des Données Personnelles en 2018, d’un coup, en 2018, tout le monde s’est soucié de la protection des données personnelles. On a tous reçu des emails là-dessus pour nous dire nous nous soucions de vos données, etc. Et d’un coup, toutes les entreprises se sont dotées d’une personne en interne pour s’occuper de ce sujet-là, on a vraiment avancé ce chantier-là. Pourquoi ? Pas parce qu’ils s’en soucient vraiment, parce qu’on parlait de 4 % du chiffre d’affaires mondial en sanctions financières.
Donc, moi, mon rêve inavoué, c’est d’avoir une sanction des mêmes types.
Marine Adatto : Ça n’existe pas aujourd’hui ?
Olivier Keul : Pour le moment, on a des sanctions qui vont arriver qui ne sont pas de cet ordre-là, qui sont pas aussi fortes que ça, mais j’aimerais voilà, qu’on se rapproche. Alors, j’aimerais pour les personnes handicapées au final, mais puisque les autres vecteurs qui sont le besoin d’exemplarité, de discrimination, éviter la discrimination ou autre ne me semble pas assez suffisant pour enclencher des vraies démarches.
Tu as rappelé les chiffres, il y a encore très peu de sites conformes et accessibles. Donc, je pense que le budget, attaquer le budget est l’un des freins qui permettra de de vraiment faire accélérer ça.
Marine Adatto : C’est vrai que c’est souvent ce qui fonctionne.
Olivier Keul : C’est ça.
Marine Adatto : Chez Temesis, donc vous, vous accompagnez vos clients dans la mise en place de stratégie d’accessibilité numérique. Quelles sont les premières étapes pour les entreprises qui veulent devenir plus accessible si tu devais leur donner un plan là, comment on fait ?
Olivier Keul : Alors, je dirais déjà, la première étape à ne pas faire, c’est forcément de vouloir à tout prix un audit. Souvent, on nous contacte pour répondre à une obligation légale, hein, t’en a parlé, je veux un audit de conformité
. Pourquoi je dis pas forcément un audit tout de suite ? Puisque si vous venez vers moi, vous connaissez le résultat de votre audit déjà. Vous savez déjà que vous êtes pas très bon. Normalement, vous allez pas venir vers moi pour dire en fait, on est déjà hyper bon et on veut juste que tu entre guillemets adoube, certifie, ce résultat-là
. Souvent, c’est vous savez qu’il y a des choses qui vont pas.
Pourquoi on essaye pas trop cette je ne suis pas trop à l’aise avec cette approche-là, c’est que je vous fais un audit de conformité et je vais vous créer du coup selon votre produit une centaine voire 200 non-conformités que vous allez devoir traiter, en plus de tout votre quotidien actuel sur toutes les évolutions de votre site ou autre. Donc, concrètement, je vais un peu vous noyer votre charge de travail.
Donc, soit en face, vous prenez vraiment sujet à cœur et c’est anticipé, c’est à dire que je vais avoir des équipes en face niveau développement, design, contribution qui vont prendre en compte tous les retours qu’on va faire et là, c’est génial, c’est le monde idéal, soit dans la vraie vie, ça se passe pas comme ça et du coup, ce qu’on va se dire, c’est que l’entreprise qui vient à nous, on va plutôt travailler sur on en a parlé le schéma pluriannuel de mise en accessibilité. On définit d’abord la stratégie avant de tout de suite rentrer dans l’opérationnel, on définit la stratégie. Et puis ensuite, sur votre service, plutôt que d’essayer d’aller travailler tous les sujets en même temps, on va aller chercher ce qui est le cœur de votre produit.
Si vous êtes un site e-commerce, bah ce qui fait sens, c’est plutôt d’aller travailler sur votre tunnel d’achat plutôt que d’aller rendre accessible la page mention légale. Donc, on va aller chercher vraiment ce qui est propre à votre produit pour commencer les efforts et mettre les efforts de mise en accessibilité.
Et donc, une fois qu’on a fait ça, ça va être bien sûr former les équipes, se faire accompagner, outiller, documenter, etc. Mais les premiers enjeux, je dirais que c’est schéma pluriannuel, la stratégie et puis au final, enclencher les démarches par priorisation par l’importance de vos sujets.
Marine Adatto : Est-ce qu’on peut dire que être accessible numériquement, je reprends l’exemple de ton tunnel de vente, c’est un avantage concurrentiel ?
Olivier Keul : Euh, oui, ça l’est, ça l’est. On a alors, j’ai plus les chiffres en tête, mais je sais que sur la… on en a parlé, donc la Fédération des Aveugles de France dans son étude justement dans son observatoire notamment sur le e-commerce, on se rend compte qu’il y a très peu de sites e-commerce qui sont conformes aux recommandations d’accessibilité, ce qui me paraît un non-sens total dans le sens où notamment, alors je reprends l’exemple du personne déficiente visuelle, elle a quand même plus de facilité de faire ses courses de chez elle plutôt que de devoir aller dans un magasin et réaliser ses courses.
Et donc, pour moi, il y a une part de marché qu’ils perdent… énorme… de se dire de pas le faire, de pas se mettre dans ce… alors dans les faits, en France, on a, pour pas les citer forcément pour leur faire d’une pub ou quoi, mais on a un site e-commerce qui respecte quelques recommandations sous lequel qui permet de faire ses courses et la majeure partie des personnes qui ont une déficience visuelle au final utilise ce site, et ce que je trouve un peu dommage par défaut parce qu’elles ont un catalogue restreint et y a pas tous les produits et donc ça serait super que d’autres marques se mettent sur ce sujet-là pour justement avoir plus d’audience et puis arrêter de discriminer des utilisateurs.
Marine Adatto : À bon entendeur. [Rires] T’en as parlé tout à l’heure, en fait, la législation française aujourd’hui, elle impose pas vraiment des normes strictes d’accessibilité. Est-ce que c’est davantage une question de bonne pratique ? Tu l’as dit, on va pas encore taper dans le portefeuille.
Olivier Keul : Alors, il y a une je ne suis pas juriste, ça, c’est le petit préambule. Je ne suis pas juriste et je ne vais pas vous assommer avec des décrets, des applications. On a une législation. Ok ? Donc, ce n’est pas une question de bonne pratique. On a une législation qui date de 2005 en France. Donc, c’est la loi pour l’égalité des chances de participation à la vie et la citoyenneté.
Marine Adatto : Vous avez écrit dessus d’ailleurs, un article.
Olivier Keul : Oui, on a rédigé des articles dessus comme à peu près tous les acteurs qui sont sur l’accessibilité numérique. Euh, qui date de 2005 et qui en 2005 demandait à ce que tous les sites, donc, tout le service numérique, on va dire du secteur public soit déjà conforme à l’accessibilité. Donc, depuis 2005, on demande. L’inconvénient, on en a parlé en face c’est qu’est-ce que je risque si je le fais pas ?
. Donc, en 2005, on a dit que ça n’a pas plus bougé que ça parce que il n’y avait pas d’autorité de contrôle qui était désignée. Il n’y avait pas vraiment de sanctions, ça n’avait pas trop ce qui allait se passer.
Et ensuite, on a eu une mise à jour en 2016 et 2023 de ces textes de loi qui ont élargi le champ d’intervention. Donc, maintenant, c’est plus uniquement le secteur public, c’est également les entreprises privées qui ont un chiffre d’affaires d’au moins 250 millions d’euros par an. Donc, là, tout le CAC40 bonjour, vous êtes désormais concerné, et puis pas que le CAC40, hein, toutes les entreprises donc qui font plus de 250 millions d’euros. Et en 2023, on a encore élargi ce scope en indiquant que c’est également toutes les entreprises privées qui font plus de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires qui ont un effectif de moins de 10 personnes… de plus de 10 personnes pardon, et qui répondent à une certaine typologie de service. Donc, qui font par exemple de l’e-commerce, de l’audiovisuel ou autre.
Donc, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que concrètement demain, je suis un petit acteur e-commerce, j’ai ma propre boutique, je fais je sais pas 10 millions d’euros de chiffre d’affaires, je suis pas un grand géant d’e-commerce, mais quand même. Au niveau de la législation française, je dois être conforme aux obligations. Je dois répondre aux obligations d’accessibilité et le gros avantage, c’est que ces nouveaux décrets, ces nouveaux textes de loi ont aussi amené des autorités de contrôle.
Donc, nous avons enfin des autorités de contrôle. À mon grand regret quand je compare avec le RGPD et la CNIL, donc l’autorité de contrôle pour le RGPD, c’est qu’on a 6 autorités de contrôle plutôt que d’en avoir une seule, c’est encore assez confus de savoir comment elles vont fonctionner entre elles. Donc, la plus connue et ils communiquent beaucoup là-dessus, c’est l’ARCOM.
Marine Adatto : Pourquoi 6 ?
Olivier Keul : C’est une bonne question. Il faudrait leur demander pourquoi ils ont 6. Je pense alors, là, c’est vraiment juste des suppositions. Je pense que chacune a sa propre domaine d’intervention et se sont dit moi, je peux aller jusque là, mais cette partie-là, c’est pas moi
ou moi, j’ai cette expertise là, mais l’autre partie, c’est pas moi
pour vous donner quelques exemples.
Donc, l’ARCOM, elle va s’occuper de vérifier tout ce qu’est les déclarations obligatoires, les obligations déclaratives, on en a parlé, est-ce qu’il y a la mention, le schéma, etc. donc, ça, ils vont s’occuper de ça.
On a la répression des fraudes, donc avec son nom barbare la DGCCRF qui va s’occuper plutôt de l’aspect e-commerce et du reste de la directive et puis ensuite, on en a d’autres, on a l’ARCEP qui va s’occuper de l’audiovisuel, on a l’AMF, donc c’est j’ai plus le A, mais Monétaire et Financier, qui va s’occuper de tout le système bancaire et autres…
Marine Adatto : Donc, finalement, c’est une intégration dans des autorités contrôles déjà existantes ?
Olivier Keul : Déjà existantes et qui vont devoir elles-mêmes monter en compétence sur le sujet puisque ils avaient pas 20 ans d’expérience sur ce sujet-là. Donc, monter en compétence sur le sujet de l’accessibilité numérique, s’outiller, se documenter, etc. pour pouvoir lancer les premiers contrôles.
Et les sanctions financières qu’on nous évoque pour le moment, on parle de 50 000 €, une sorte de package de 75 000 € en cas de non conformité, ça peut être renouvelable tous les six mois si on constate que le défaut n’a pas été résolu. Donc, voilà. Donc, moi, mon attente un peu là-dessus, les délais, on parle de 2025 et 2030, ça, c’est les deux grands délais. Donc, 2025 pour tout nouveau service.
Donc, si je crée un nouveau service en 2025, je pourrais être sanctionné dès donc c’est juin de juin 2025, et 2030 donc 28 juin 2030 pour les services existants. Ça, c’est les délais qu’on a. Moi, mon attente là-dessus, c’est il faut les premières sanctions. Pour le moment, l’ARCOM, ils font une phase de sensibilisation puisque c’est leur façon de…
Marine Adatto : Comment ils sensibilisent ?
Olivier Keul : Donc ils ont envoyé, ils ont déjà communiqué dessus. Ils ont pas mal communiqué sur le fait qu’ils s’occupaient désormais de l’accessibilité numérique. Ils ont envoyé des courriers aux secteurs, à différents acteurs du secteur public. J’ai plus les chiffres en tête, mais je crois il y a 200 entités publiques qu’ils ont contactées.
Moi, je ne vous cache pas que j’étais un petit peu sceptique de ça, en disant bon un courrier pour dire : attention …
Pour avoir des clients dans le secteur public qui ont reçu ces types, ces types de lettres : ça fonctionne, ça marche puisqu’on a courrier de l’ARCOM qui est une autorité de contrôle assez connue notamment dans l’audiovisuel. On sait qu’ils font des sanctions qu’ils appliquent. Donc, c’est vrai que ça a pas mal aidé, c’est plutôt une action qui a été intéressante.
Maintenant, ce qu’on attend, voilà, c’est les vraies actions puisque c’est ça qui va faire un peu un effet boule de neige. Une fois que les premières sanctions financières vont tomber, tous les autres acteurs vont se dire bon, ça devient sérieux, ça tombe vraiment. Donc, là, il n’y a plus choix.
Marine Adatto : Et au-delà de la sanction financière, est-ce que toi, tu as des conseils justement aux entreprises pour les inciter à agir avant avant la sanction ?
Olivier Keul : Bien sûr, ben, le premier point, c’est de se dire effectivement, si on essaie de pas juste raisonner d’un point de vue financier, c’est l’aspect de discrimination. Donc, ne pas discriminer des utilisateurs et donc les actions concrètes qu’il y aurait à faire, c’est vous former.
Donc, soit vous faire accompagner ou trouver des personnes déjà formées. Prioriser au sein de votre entité de votre groupe les chantiers qui vous sont prioritaires. Donc, ça peut être d’un point de vue utilisateur, quel est votre service le plus visité et ensuite, sur ce service le plus visité, quel est le parcours le plus important et on va mettre les efforts là-dessus.
Donc, je dirais se former, s’outiller, se… se documenter, se faire accompagner si vous n’avez pas cette expertise là en accessibilité numérique, tout comme si demain, vous devez rendre sécurisé votre site, vous allez pas le faire vous-même, faut vous faire accompagner soit en externe ou en interne, ça peut être aussi des recrutements, recruter des personnes qui ont déjà cette compétence.
Souvent on me dit non mais Olivier, on a déjà du mal à recruter des personnes compétentes sur des métiers du développement ou sur du design ou autre. Si en plus, il faut la casquette accessibilité, on les aura jamais
. Ben, moi, je trouve que c’est justement un super argument pour ces profils là dans un marché qui est des fois tendu sur le marché du développement, par exemple de se dire si vous voulez vous démarquer, faites de l’accessibilité numérique, vous allez être un profil hyper tendance puisqu’ il est de plus en plus recherché.
Marine Adatto : Oui, puis c’est un vrai sujet. Enfin, en fait, ça fait partie du sujet de transformation digitale, on n’y pense pas forcément, mais en effet…
Olivier Keul : Et il y a un autre sujet aussi, c’est que souvent ce qu’on remarque, c’est que je sais pas si ça correspond à l’âge ou quoi ou par rapport aux générations, mais moi, je formais beaucoup de différents profils, je me rends compte qu’il a souvent une quête de sens, de valeur, une recherche de valeur et de quête dans ce que je fais dans la mission dans le travail qu’on fait et souvent, l’accessibilité numérique résonne là-dessus. Elle résonne sur cette quête de sens puisque plutôt que de juste entre guillemets alors, c’est pas péjoratif, mais de designer ou de développer ou autre, j’ai une valeur supplémentaire, il y a une valeur ajoutée, il y a une je réponds à cette quête là de dire ben là, je réponds un besoin. Je réponds à un besoin de personnes handicapées. Je fais pas juste concevoir, même si c’est très bien, un énième site ou un énième application mobile qui va peut-être révolutionner le monde ou autre, mais j’ai une autre démarche derrière aussi, j’ai une autre démarche, c’est je fais en sorte que des personnes handicapées puissent accéder à ce service là.
Je suis pas un magicien, je suis pas un gourou, je vais pas effacer la déficience, elles auront toujours cette déficience là, mais au moins, j’évite cette discrimination et du coup, je rends pour moi le web un peu plus meilleur.
Marine Adatto : Et c’est intéressant. Bonne transition, si on se projette en 2030 et justement avec ses besoins des nouvelles générations de quête de sens, une tension sur les métiers de développement, comment est-ce que tu vois toi l’évolution de l’accessibilité au numérique, est-ce que est-ce qu’il y a des prises de conscience aussi qui sont au niveau des générations qui arrivent, est-ce qu’il y a des innovations, est-ce qu’il y a des tendances à surveiller en particulier ?
Olivier Keul : Donc, on voit qu’il y a une prise de conscience clairement. On disait que l’accessibilité numérique, c’est assez vieux, on voit qu’on en entend beaucoup plus parler pendant les quatre cinq dernières années. Je dirais pour plusieurs raisons, les directives européennes qui se durcissent, on a parlé des lois au niveau de la France, mais c’est parce que c’est issu des directives européennes. Donc, au niveau de l’Europe, on impose aux États membres dont la France de se doter de législation forte et des sanctions sur l’accessibilité numérique. Donc, ça, ça bouge au niveau de l’Europe, ça bouge au niveau des États-Unis. Les États-Unis tirent aussi un peu le marché vers le haut sur l’accessibilité numérique puisqu’ils ont des sanctions financières très lourdes aux États-Unis pour non-discrimination, enfin pour discrimination pardon.
Marine Adatto : Là c’est un pourcentage de leur chiffre d’affaires ?
Olivier Keul : Non, c’est des transactions financières qui sont confidentielles puisque tout est signé en accord, mais voilà, souvent les ordres de, enfin les fourchettes, il n’y a pas de chiffres précis de toute façon, les fourchettes on parle de dizaine de milliers de dollars pour éviter un procès là pour le coup, les procès eux, ils sont publics et les procès montent sur des millions de dollars.
Donc, on a plein de cas, on a des cas de Domino’s Pizza qui avait été un cas assez connu sur l’accessibilité numérique qui s’était fait attaquer, qui avait essayé de faire une défense différente des autres plutôt que de dire bah oui si je suis attaqué, c’est parce que mon site est en défaut d’accessibilité
, ils ont essayé juste de s’en sortir en disant bah oui, mais j’ai une application mobile ou j’ai un numéro de téléphone
en gros, il y a d’autres alternatives possibles, ça a pas convaincu et du coup, ils ont eu des amendes encore plus importantes.
Donc, souvent, le marché américain aussi lead beaucoup ça, cet aspect là puisque si vous êtes une entreprise française ou européenne et que vous avez une présence aux États-Unis, vous allez être attaqué. On a plein plein de statistiques là-dessus. Il y a une société américaine qui fait des stats régulièrement sur ça qui s’appelle UsableNet avec des études où on indique qu’on a plus de, je crois le top 250 e-commerce qui a déjà été attaqué. Donc, voilà, ça, ça lead beaucoup. Pour l’avenir 2030, je dirais que l’IA va nous sauver. [Rires] Non, pas du tout. Non.
Marine Adatto : Mais c’est une solution en tous cas.
Olivier Keul : L’IA, elle est intéressante pour certains aspects, mais elle est pas encore, euh… elle nous fait gagner du temps sur l’accessibilité pour différents sujets, mais elle est encore perfectible pour notre expertise.
Pourquoi elle est perfectible ? On parlait de sous-titrage automatique, c’est hyper intéressant de pouvoir sous-titrer de façon automatique, mais notamment sur la langue française, ça reste perfectible sur des mots où elle va beaucoup se tromper puisque le jeu de données est plus important en anglais. Donc, c’est très bien, c’est une bonne base de travail, mais ça peut pas être laissé comme ça en l’état.
Sur la reconnaissance d’image aussi, on voit plein de de cas où l’IA va être capable sur une image de vous décrire très précisément tout ce qui se trouve dans l’image, c’est super intéressant, mais des fois niveau accessibilité, c’est l’opposé de ce qu’on veut faire. Des fois, si l’image est purement décorative, on veut justement pas la décrire et on ne veut pas porter du bruit supplémentaire. Donc, il faut pas chercher forcément à décrire tout, ça dépend chaque fois du de la nature de l’image et du contexte.
Donc, c’est là où l’IA, il faut voir, ça peut être un bon outil, mais pour le moment, c’est pas salvateur en tout cas, mais ça peut être un outil qui est intéressant. Pour moi, les innovations, là aussi, je vais de nouveau être cynique, mais les innovations, j’en vois pas énormément pour le moment dans le sens où dans l’accessibilité numérique, on rappelle des principes qui existent depuis des années et des années.
Donc, si je m’adresse à des développeurs, ça va être respecter les standards de votre langage déjà, de langage que vous utilisez qui sont dans une spécification qui existe. Donc, déjà respecter ça, il n’y a pas besoin d’attendre 10 ans ou 20 ans d’avancée technologique, ça existe déjà. Respecter déjà ces bases là, ces fondamentaux et déjà, on aura fait un gros progrès.
Mais pareil pour les designers, pour un designer qui aujourd’hui en 2024 ne comprend pas ou ne connaît pas le concept de ratio de contraste, donc ces différences de couleur entre le texte et le la couleur d’un texte la couleur de fond pour moi, c’est pas une question d’innovation, c’est une question de, ça existe les ratios de contraste depuis 10, 20 ans ou plus.
Donc, c’est déjà connaître ces fondamentaux là pour ensuite essayer pourquoi pas d’aller plus loin dans d’innovation ou autre.
Marine Adatto : Ouais, le fameux back to basics.
Olivier Keul : C’est exactement ça.
Marine Adatto : Et alors, comment est-ce qu’une meilleure accessibilité numérique va bénéficier aussi à l’ensemble de la société, aux personnes handicapées évidemment, mais aussi à celles qui ne le sont pas ?
Olivier Keul : Alors, ça, on a peu de chiffres là-dessus. On a peu d’études qui nous prouve ou qui nous déprouve, enfin nous montre qu’un site accessible en tout cas plus accessible peut être, avoir une meilleure utilisabilité pour des personnes dites valide. C’est plus du voilà… Donc, c’est très, c’est plus du ressenti ou des choses comme ça, mais on n’a pas de source là-dessus.
Donc, clairement, je peux pas vous affirmer que un site plus conforme sera plus utilisable. On peut d’ailleurs tout à fait faire l’inverse, hein. On pourrait faire l’exercice demain, je vous fais un site totalement conforme aux recommandations d’accessibilité et qui sera inutilisable avec une expérience utilisateur déplorable, par contre, il sera accessible, ça y a aucun problème. Donc, on peut totalement faire les deux, c’est pas antinomique.
C’est pour ça que on parle des bénéfices induits, souvent, on va indiquer que si un site est plus accessible au-delà des personnes handicapées qu’est notre cible prioritaire, les personnes handicapées, mais que ça peut effectivement bénéficier à des personnes âgées qui vont perdre certaines fonctionnalités ou qui vont avoir des types de déficience qui vont commencer à arriver avec l’âge. Donc, ça peut être euh… atteindre de ce public là, mais ça reste juste des bénéfices induits, dans tous les cas.
On a des plus des exemples dans le monde physique pour le coup sur l’accessibilité physique, les exemples qu’on a le plus courant, c’est sur la télécommande par exemple : la télécommande, ça avait été inventé pour des personnes à mobilité réduite pour leur permettre plus facilement de changer de chaîne ou d’avoir des contrôles, maintenant, c’est utilisé je pense par quasiment tout le monde. Donc, il y a plus d’exemples dans le monde physique là-dessus.
Sur l’accessibilité numérique, j’aimerais bien, mais c’est vrai qu’il n’y a pas d’étude de si un menu par exemple fonctionne en navigation clavier, est-ce qu’il sera mieux utilisé. J’espère en tout cas, ça va dans le bon sens, mais comme je vous disais, on peut totalement faire un site conforme et avec une UX déplorable. Donc, normalement, on est censé aller dans le même sens quand même, mais c’est pas en tout cas, c’est pas un gain, c’est pas forcément une c’est pas une affirmation.
Marine Adatto : Ouais, c’est plus finalement une prise de conscience, un mieux vivre ensemble et faire attention dans toutes les créations de sites. Si… si il y avait un conseil que tu pourrais donner à une personne ou à une entreprise qui souhaite rendre son site plus accessible, ce serait quoi ?
Olivier Keul : Je dirais déjà elle peut s’autoformer. Il y a déjà plein de ressources en ligne qui existent pour pouvoir apprendre le sujet, comprendre. Donc, je dirais d’un point de vue opérationnel selon son profil, il y a plein de ressources sur lesquelles elle peut aller. Il y a un site qui s’appelle donc la WAI, la Web Accessibility Initiative qui est le département accessibilité d’un organisme qui s’appelle je vous mets plein d’acronyme le W3C donc l’organisme de standardisation qui a plein de ressources sur l’accessibilité pour comprendre qu’est-ce que l’accessibilité et ensuite quelles sont ces règles d’accessibilité. Donc ça, c’est sur l’aspect opérationnel pour déjà se former sur le sujet.
Il y a un autre aspect qui me paraît important, c’est comprendre les usages plutôt que de tout de suite aller dans l’opérationnel. Là aussi, sur ce même site-là, mais vous en trouverez d’autres, regardez des vidéos de personnes qui utilisent ce qu’on appelle des technologies d’assistance pour contribuer ou naviguer sur le web. Donc, qui vont utiliser un lecteur d’écran, qui vont utiliser une dictée vocale, qui vont utiliser des contacteurs ou des choses comme ça. Ça, c’est intéressant parce que ça permet de s’ouvrir un peu l’esprit et de déconstruire l’idée de mon utilisateur unique et de me dire, ok, il y a des personnes qui peuvent naviguer différemment et du coup, j’avais peut-être pas pensé à ça quand j’étais en train de concevoir ou développer mon produit.
Donc, je dirais s’auto-former, se… comprendre et ouvrir l’esprit sur les différents usages et après, si vous allez vraiment envie d’aller plus loin, il va falloir vous faire accompagner ou vous former ou suivre une formation pour pouvoir monter en compétence sur ce sujet-là et être autonome sur l’accessibilité numérique.
Marine Adatto : Avant de venir te voir.
Olivier Keul : Par exemple, moi ou plein de consoeurs ou confrères, mais l’idée, ce n’est pas… moi, ce que je dis souvent, c’est que mon objectif, il n’est pas de travailler dix, vingt, trente ans avec les clients, c’est pour moi, c’est que j’ai perdu la mission si j’ai fait ça. L’objectif, il est de faire monter en compétence les personnes qui puissent ensuite internaliser ce besoin.
Ça, c’est mon grand regret aussi. Alors, ça aurait pu être dans la réponse à ta question sur 2030. J’aimerais qu’on ait des équipes internes d’accessibilité, tout comme on a des équipes internes sécurité chez les clients. On a encore très peu d’équipes accessibilité ou RGPD internalisées. RGPD, on a, j’ai regardé les chiffres aussi, il y a en 2024 34 000 DPO donc délégué la protection des données personnelles en France, combien on a de référents accessibilité en France? Je pense qu’il y en a une dizaine, enfin, je n’ai pas les chiffres, mais c’est très peu.
Donc ça aussi, 2030, mais j’aimerais bien qu’on ait je ne sais pas, 10, 20 000, 30 000 référents accessibilité. Ça veut pas dire des sachants, des experts, mais juste une personne identifiée comme un peu le DPO, des fois, c’est des doubles casquettes ou des triple casquettes, mais au moins dans chaque quantité groupe, une personne référente sur ce sujet-là, c’est toi qui dois leader ce sujet-là, c’est toi qui dois mener ce sujet-là, rendre des comptes à la direction, t’assurer de suivre ce sujet-là. Et donc ça, ça responsabilise et ça force à lancer les actions et à suivre des actions. Ça, c’est aussi un bon enjeu, avoir un référent, une référente accessibilité numérique.
Marine Adatto : Olivier, des idées, des propositions pour justement se lancer dans l’accessibilité, des idées innovantes ?
Olivier Senot : C’est une question très intéressante parce que dans ce monde de l’accessibilité et du handicap, on a beaucoup d’innovations qui ne sont pas du tout liées à l’accessibilité, mais qui sont dans la capacité à rendre aux personnes handicapées leur capacité perdue ou jamais acquise. Je pense à Neuralink par exemple qui travaille hardement là dessus. Donc, on est peut-être à cette frontière aussi où l’innovation majeure ne viendra pas d’une capacité pour une IA à lire merveilleusement un site web ou à lire son environnement, mais viendra peut-être de l’autre bout du spectre qui est l’implantation neurologique qui en est à ses tout début. Peut-être qu’ici 10, 15, 20 ans, c’est… l’accessibilité ne sera finalement plus une question puisqu’elle sera… elle aura été disruptée remplacée par le soin amont ou aval sur les personnes.
Donc, on est peut-être dans cette dans cette de ce mouvement-là et ça serait plutôt une bonne nouvelle, mais ce n’est pas pour demain bien sûr. D’ici 2035, 40, peut-être un peu plus, effectivement, il faudra rendre les sites un peu accessibles pour les personnes qui en ont besoin.
Olivier Keul : Totalement.
Marine Adatto : Alors donc on l’a vu bien plus qu’une simple obligation légale, l’accessibilité numérique est un levier de transformation pour une société plus inclusive et mieux connectée, mais Olivier, j’ai une question à te poser : comment en faire l’affaire de tous ?
Olivier Senot : C’est une bonne question parce que dans ce vaste paysage numérique, l’accessibilité des sites web se pose comme une question cruciale et parfois même de survie. Il convient d’explorer les implications profondes de cette notion tant sur le plan législatif qu’humain.
On en a largement parlé, la technologie tout en promettant une démocratisation de l’accès à l’information révèle également des fractures qui, si elles ne sont pas comblées, risque de laisser de nombreux individus dans l’ombre de la connectivité.
Aristote dans sa quête de justice affirmait que l’éthique repose sur l’équilibre et l’équité. Ainsi, dans notre contexte contemporain, l’accessibilité ne devrait-elle pas être considérée comme un droit fondamental, un impératif moral qui transcende les intérêts commerciaux ?
Les entreprises au-delà de l’aspect législatif et réglementaire prennent conscience de cette responsabilité et développent pour certaines une culture d’inclusivité. On en parlait à l’instant avec des délégués à l’accessibilité, où chaque utilisateur quelle que soit sa condition trouve sa place, mais l’accessibilité engage une réflexion plus large sur notre humanité partagée. La conception des sites web implique l’interface appelée UI pour les intimes, qui doit entrer en résonance avec son petit frère, l’expérience utilisateur UX pour les intimes. Là aussi, on en a largement débattu.
Quel sens donner à une technologie qui, bien avancée, ne parvient pas à embrasser la diversité des formes de vie qu’elle touche ? En tant que société nous devons nous interroger comment pouvons nous collectivement bâtir un monde numérique qui respecte et célèbre la diversité humaine ?
Les outils technologiques devraient-ils être conçus comme des ponts plutôt que comme des barrières ? En intégrant les voies de ceux qui sont souvent laissés pour compte, nous avons l’opportunité d’enrichir notre compréhension de ce que signifie véritablement être accessible. À l’aube de cette réflexion, nous pouvons envisager l’accessibilité comme un miroir de notre époque. Elle nous invite à réévaluer nos priorités, à envisager un avenir où la technologie ne serait pas seulement un vecteur d’efficacité, mais également un vecteur d’humanité.
En nous inspirant des sages du passé, nous avons l’opportunité de redéfinir notre approche non seulement en termes de législation, mais aussi en termes de compassion et d’empathie et pourquoi pas s’interroger sur l’idée de faire société à l’heure d’un alignement des individualités et d’une archipélisation des nations. L’accessibilité loin d’être un simple impératif technique représente l’opportunité d’une réflexion profonde sur notre nature même, une invitation à embrasser la pluralité des expériences humaines et à construire un monde où chacun trouve sa voie.
L’accessibilité peut-elle être le catalyseur d’une réflexion profonde permettant de forger un avenir où la technologie et l’humanité coexistent en harmonie ? Vous avez quatre heures.
Marine Adatto : C’est une très bonne question, ça, Olivier. une réponse brève pour conclure cet épisode.
Olivier Keul : Je rebondirai juste sur un point où effectivement l’accessibilité, tu t’indiquais l’accessibilité comme droit fondamental. On a on a une le conseil des droits de l’homme de l’ONU en 2012 si je dis pas de bêtises qui avait indiqué que l’accès internet est un droit fondamental, donc ça c’est dans nos… c’est dans les textes et donc si l’accès internet est un droit fondamental, le fait de ne pas le faire accessible c’est un reniment de ce droit fondamental et donc c’est une discrimination.
Donc on est sur au final, l’accessibilité est un droit fondamental totalement donc c’est un vaste sujet, la conclusion est très intéressante et très bien, elle pose plein de questions. Il faut le prendre en compte.
Pensez l’utilisateur, pensez à vos utilisateurs l’ensemble des utilisateurs. Il y a une phrase en anglais d’un évangéliste en expérience utilisateur qui indique que si j’utilise si je prends en compte seulement quelques utilisateurs, donc some
utilisateur du coup au lieu de faire de l’UX je fais du SUX, donc some user experience
et j’utilise, donc je m’adresse que à quelques utilisateurs.
Donc souvent pour les entreprises ou les entités qui sont en recherche croissante de plus d’audience ou plus de trafic ou autres, pensez à ces utilisateurs là pensez au fait que il y a des gens, il y a des vrais personnes qui utilisent vos services, dans des manières que vous n’imagignez pas, et donc voilà éviter la discrimination inutile et essayer de rendre le web meilleur.
Marine Adatto : Très très très bonne très bonne conclusion. Accessibilité comme droit fondamental, je garde ça.
Merci Olivier de nous avoir fait partager ton expérience, ta vision aussi sur un web plus accessible, merci chers auditeurs pour votre écoute et moi je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode, et merci Olivier pour ta conclusion brillante comme d’habitude.
Olivier Keul : Merci.
Olivier Senot : Merci Marine !
Marine Adatto : Et voilà chers auditeurs c’est tout pour cet épisode de Tendance Inno. Un grand merci pour votre écoute, nous espérons que vous avez trouvé cette discussion aussi enrichissante et inspirante que nous. N’oubliez pas de vous abonner pour ne manquer aucun de nos futurs épisodes. Vous pouvez retrouver Tendance Inno sur toutes les plateformes de podcast, Youtube et Dailymotion.
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