Le , par Christophe Clouzeau - Écoconception
Le GreenTech Forum est devenu, en quatre ans, un rendez-vous important, pour ne pas dire « incontournable », pour les professionnels du numérique responsable et plus spécifiquement de l’écoconception numérique en France. Cette année, pour l’édition 2024 qui se déroulait au Palais des Congrès de Paris, toujours organisée par Formule Magique pour Planet Tech’Care et Numeum, il a une fois de plus rassemblé les acteurs publics et privés, principalement français, pour échanger sur les solutions et les technologies permettant de réduire l’empreinte environnementale du numérique.
J’y ai donc recroisé avec le plus grand plaisir ces actrices et acteurs, les partenaires de Temesis, les consœurs, confrères, copines, copains qui œuvrent à réduire les impacts sociaux et environnementaux de l’industrie du Numérique.
Un sentiment de « déjà-vu »
Toujours les mêmes acteurs présents (exceptées 2 découvertes pour moi).
Toujours les mêmes outils.
Et toujours les mêmes sujets de conférence ou d’atelier qui sont souvent des plages de communication pour convaincre ou de mise en avant d’acteurs sur : la CSRD(Corporate Sustainability Reporting Directive), l’intelligence artificielle, le RGESN, le programme Alt Impact et Econum, l’envie de repenser le futur du numérique au travers d’un imaginaire éthique et commun, les défis de la mesure, les enjeux de la réduction de l’empreinte environnementale du numérique, les méthodes pour déployer une démarche ou pour convaincre… Bref, rien de nouveau pour les professionnels qui suivent quotidiennement cette thématique.
Parmi les standistes et les ateliers, plusieurs présentent avec fierté leur démarche d’auto-évaluation de conformité au RGESN, le Référentiel général de l’écoconception des services numériques. Or, dès les premières secondes de lecture de leurs déclarations en ligne, on y découvre des manques ou des incohérences…
D’autres présentent un nouvel « outil de mesure issu des données open-source de Boavizta API ». Mais ils oublient que la mesure fiable n’existe pas (pas encore) et surtout ils oublient de rétribuer, avec leurs données collectées, le commun numérique en construction par le collectif Boavizta.
Pour cette édition, en plus des horaires d’ateliers qui se chevauchent avec ceux des conférences, s’entremêlent également les intéressantes programmations et interviews d’une GreenTech Radio, toute nouvelle et animée sur stand par Alizée Colin et Rémy Marrone. J’en retiens entre autres l’intervention de David MAENDA KITHOKO (son profil Linkedin), toujours aussi calme et posé lorsqu’il expose les faits écœurants concernant les impacts environnementaux et sociaux que subit le Congo pour l’extraction de ressources.
Conférences, ateliers, radio : il n’y avait donc aucun temps mort réellement accordé aux visiteurs pour aller à la rencontre des stands.
À travers tout cela, que retenir ?
Que le marché du Numérique Responsable (NR) devient plus dur ; il se resserre avec la présence en progression d’acteurs plus gros qui assument un discours d’avant-vente gagnant en maturité.
Les ESN (entreprises de services du numérique) prennent de plus en plus de place (en mètres carrés de stands comme sur les réponses aux appels d’offre) et de plus en plus la parole. Cette parole était déjà celle des acteurs plus modestes, engagés et présents sur le terrain via des groupes de travail depuis des années. Mais la voix des ESN semble porter plus loin.
Du côté des outils d’évaluation, certains se concentrent de façon très spécifique et maîtrisée sur des métriques hyper-spécialisées. D’autres, au contraire, tentent d’agréger des thématiques de données plus généralistes en y mélangeant des métriques de résultats et celles de critères de conformité. Ce qui, à titre personnel, me paraît être compliqué puisque l’évaluation porte sur des sujets totalement différents : un score basé sur des métriques VS un taux de conformité de critères à des référentiels tels que le RGAA et le RGESN… La concurrence est rude et cela se ressent sur les promesses technologiques et de scoring avancé. Il est en revanche intéressant de constater les différences d’intelligence sur les approches de recueil et d’interprétation des indicateurs d’analyse de la part des équipes distinctes, afin d’apporter un « score de mesure » le plus réaliste/fiable que possible.
Dans les allées, les conversations challengent le terme « numérique responsable », en proposant plutôt une réflexion autour d’un numérique durable, soutenable, robuste, etc. Les acteurs avouent leur difficulté à trouver des marchés réellement engagés en termes de réduction d’impacts, sur d’autres indicateurs que l’unique équivalent CO2 (eqCO2), et si possible accompagnés des budgets proportionnels nécessaires. Selon moi, ces complications seraient plutôt le signe d’une concentration du secteur, d’une transition un peu précipitée par le contexte légal, voire d’une potentielle maturité en cours ?
Conclusion
Le GreenTech Forum 2024 a réaffirmé son rôle central en tant qu’événement de réflexion et de journées de conférences pour un numérique durable.
Les multiples outils d’évaluation restent encore au stade des informations fournies à partir d’interprétations non consensuelles de données. La tentation d’intégrer des résultats de conformité au RGAA et au RGESN est forte de leur côté (alors qu’un résultat d’évaluation de métriques et un taux de conformité à un référentiel sont fondamentalement différents). L’approche de score « chacun à sa sauce » brouille continuellement les décideurs du numérique qui cherchent sérieusement à avoir des indicateurs fiables.
Tous les acteurs répondent bien présents, plus pour se voir et échanger que pour apprendre ou enrichir leurs contacts de prospection commerciale. L’événement gagnerait à fournir des conférences non sponsorisées, gratuites et plus adaptées à un public métier issu de l’opérationnel, les personnes engagées qui « font » les sujets de l’écosystème ! Des personnes qui réalisent, produisent, conçoivent, designent, s’associent et réfléchissent aux évolutions des standards ou des communs numériques.